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Social (legal researcher) scientist investigating the legal status of money. Chercheur en droit (en thèse) sur la définition de la monnaie comme moyen d'échange.

mercredi 21 mai 2014

Premiers commentaires sur l’amendement n°463 adopté par l’assemblée nationale dans le cadre de l’examen du projet de loi sur l’économie sociale et solidaire.

Premiers commentaires sur l’amendement n°463 adopté par l’assemblée nationale dans le cadre de l’examen du projet de loi sur l’économie sociale et solidaire.

[Mis à jour au 2 juillet avant l’adoption de la loi]

Le gouvernement précédent avaient chargé Jean-Philippe Magnen d’une mission sur les monnaies locales complémentaires (MLC) pour faire un état de la situation et déterminer si des mesures législatives étaient nécessaires. Avant même la parution de ce rapport (dont on sait qu’il dira que les MLC sont une nécessité), le gouvernement a déposé un amendement devant l’Assemblée nationale lors de la séance du 14 mai introduisant la notion de « monnaies locales complémentaires ».

Cet amendement a été adopté dans le projet de loi sur l’Economie sociale et solidaire (LESS) à l’article 10 quater qui ne comportait aucune disposition propre aux monnaies locales. Il lui reste néanmoins, à passer sous les fourches caudines d’une deuxième lecture pour entre dans le Code monétaire et financier.

Avant d’analyser ce que cet amendement changerait s’il venait à finir son parcours législatif, penchons-nous sur le traitement réservé à ces monnaies franches par le droit en vigueur. 

Les monnaies locales complémentaires et le droit en vigueur 

Le principe de l’agrément préalable


L’émission de monnaies locales complémentaires est assimilée à une « opération de mise à dispositions de la clientèle ou de gestion de moyens de paiement ». Une telle activité est dès lors interdite par toute personne autre que les établissements bancaires ayant reçu un agrément. C’est le monopole bancaire.   

La demande d’agrément doit être formulée, avant le commencement de l’activité, auprès de l’autorité de régulation du secteur de la banque et des assurances (l’Autorité de contrôle prudentiel et de régulation, « ACPR »). Ce dernier entamera une procédure par laquelle il vérifiera la qualité des dirigeants, leurs compétences en matière de gestion bancaire, l’organisation de l’entreprise, etc. Cette procédure doit permettre de s’assurer que l’entreprise émettrice sera en mesure de respecter les normes prudentielles. Il s’agit surtout de vérifier qu’elle dispose des garanties nécessaires qui protégeront les droits des détenteurs de monnaie émise et la stabilité du système monétaire et financier. Or la mise en place d’une telle structure n’est pas dans les moyens d’une initiative locale.

La possibilité d’une dispense d’agrément : le critère du « réseau limité »

Par exception à la nécessité d’obtenir un agrément, des dispenses ont été prévues par le Code monétaire et financier suivant les types de moyens de paiement : articles L. 521-3 (pour les services de paiement), L.525-5 (pour la monnaie électronique) et L.511-7, 5° et L.511-7, II° (pour les services bancaires de paiement). Pour être éligible à ces dispenses les monnaies locales complémentaires doivent être acceptées « pour l'acquisition de biens ou de services, que dans les locaux de cette entreprise ou, dans le cadre d'un accord commercial avec elle, dans un réseau limité de personnes acceptant ces moyens de paiement ou pour un éventail limité de biens ou de services ».

De ces critères d’« accord commercial », de « réseau limité de personnes » ou d’« éventail limité de biens ou de services », il faut bien convenir qu’ils appliqueront plus facilement aux entreprises, notamment de la grande et moyenne distribution, qu’à des monnaies locales. En effet, ces dispenses ont été rédigées pour des cartes cadeaux, de prépaiement etc.
           
            Devant une telle inadéquation, les collectivités locales hésitent à soutenir des initiatives de monnaie locale parce qu’elles portent potentiellement atteinte au monopole bancaire. Les porteurs de ces projets n’osent demander une dispense à l’ACPR du fait des critères d’exemptions trop défavorables.

L’attribution de la dispense

La dispense est accordée par l’autorité de contrôle prudentiel et de régulation en fonction des critères posés par la loi. Le dispositif mis en place par la loi est donc premier. Si le projet de monnaie locale respect les conditions de la loi, elle peut commencer son activité.
A l’inverse si l’autorité de régulation estime que le projet ne peut bénéficier de la dispense, il lui intime l’ordre de déposer un dossier d’agrément ou de cesser son activité. Cependant, le fait de bénéficier d’une dispense n’est plus un sésame. En effet, depuis une décision récente du Conseil d’Etat, l’ACPR est en droit d’assortir sa décision de dispense « de conditions tenant aux modalités de gestion des moyens de paiement ».

Les monnaies locales dans l’esprit de l’autorité de régulation bancaire

L’autorité de régulation bancaire a expliqué sa politique en la matière dans un article « les monnaies locales » publié dans la revue de l’ACPR en 2013.

N’entrent donc pas dans le champ du droit bancaire, les monnaies locales corporelles – sous forme de coupons ou de bons – lorsque certaines conditions sont réunies : elles ne doivent être ni remboursable, ni fractionnables et ne peuvent donner lieu à aucun rendue de monnaie.
Soulignons simplement que les monnaies locales se doivent au moins être partiellement, et peut-être exceptionnellement, remboursables notamment pour les commerçants. Ceux-ci, doivent pouvoir bénéficier d’une porte de sortie lorsque, de par leur situation, ils reçoivent plus de monnaie locale qu’ils ne peuvent dépenser. Il revient aux émetteurs de monnaies locales d’intégrer ces contraintes, du moins juridiquement, dans leur modèle de fonctionnement pour rester à l’écart du droit bancaire.

En effet, le critère redouté du « réseau limité » ne s’applique pas dans de telles circonstances. La collecte des fonds étant libre, ce qui pose problème au regard du droit bancaire est la fonction d’intermédiation, soit le reversement des fonds à un commerçant par exemple. L’enjeu, pour développer une telle monnaie locale, se déplacerait alors exclusivement vers le remboursement des commerçants et autres accepteurs.

Le débat juridique sur l’intermédiation se pose dans des termes qui rappellent celui des opérations exécutées par  un appareil de télématique. En vertu de la directive ceux-ci sont exemptés lorsque « l'opérateur du système de télécommunication, numérique ou informatique n'agisse pas uniquement en qualité d'intermédiaire entre l'utilisateur de services de paiement et le fournisseur des biens ou services ». Or à l’inverse, en vertu des « services [de paiement] 7 » l’opérateur exécute une opération de paiement lorsqu’il agit « uniquement en qualité d'intermédiaire entre l'utilisateur de services de paiement et le fournisseur de biens ou services ».

Ce qui apparait avec ce rapprochement est le critère de la valeur ajoutée (ou l’intégration) qu’apporte l’opérateur lorsqu’il fournit un service de paiement. Rapporté aux monnaies locales, l’émetteur devrait alors constituer avec les accepteurs, soit les commerçants ou les collectivités locales, une entité juridique. On peut penser que la forme d’une association pourrait s’avérer alors suffisante pour échapper au droit bancaire. 

Pour les autres formes monétaires, l’ACPR se réfère au droit des services de paiement (commerciaux).  

Le nouveau régime proposé par l’amendement n°462


L’amendement propose de créer au sein Code monétaire et financier une nouvelle section dans le titre Ier du livre III (Les services) intitulé « Les opérations de banque, les services de paiement et l'émission et la gestion de monnaie électronique ».

Cette section répondant au titre de « Définition des titres des monnaies locales complémentaires » comprendrait deux articles rédigés ainsi :

« Art. L. 311‑5.– Les titres de monnaies locales complémentaires peuvent être émis et gérés par une des personnes mentionnées à l’article 1 de la loi n° …. du ….. relative à l’économie sociale et solidaire, dont c’est l’unique objet social.

« Art. L. 311‑6. – Les titres de monnaies locales complémentaires sont soumis aux dispositions du titre Ier du livre V du présent code lorsque leur émission ou leur gestion relèvent des services bancaires de paiement mentionnés à l’article L. 311‑1, des services de paiement au sens du II de l’article L. 314‑1 ou de la monnaie électronique au sens de l’article L. 315‑1. »

Les EESS auraient le droit d’émettre des monnaies locales

            Les entreprises de l’économie sociale et solidaire (les futures EESS) seraient légalement admises à émettre des monnaies locales complémentaires (virtuel art. L.311-5, C. mon. fin.). Sont présumées bénéficier de cette qualité d’EESS, les entreprises disposant d'un statut traditionnel de l'économie sociale (associations, coopératives, mutuelles, fondations). Les autres entreprises, essentiellement les sociétés commerciales, doivent respecter certaines conditions afin de prétendre à cette qualité (art. 1 du projet de loi sur l’économie sociale et solidaire).

L’essentiel est cependant là, une association régit par la loi de 1901, par exemple, peut émettre et gérer une monnaie complémentaire. Le problème n’est pas la personne morale comme en matière bancaire : comme toutes les structures, elle aura à mettre en place des outils de gestion. Mais, elle sera dépositaire de la confiance que lui accorderont la population locale et surtout les entreprises locales. 

            Cependant par peur des accidents, l’amendement impose un légitime principe de spécialité (1). En revanche, il se contredit en voulant soumettre les MLC au droit bancaire (2).

1. Le principe de spécialité des EESS émettrices de MLC


            Les EESS ne peuvent émettre des monnaies locales complémentaires qu’à la condition d’en faire leur unique objet social (virtuel art. 311-5, C. mon. fin.). En d’autres termes, la sphère d’activité d’un émetteur sera limitée. Les acteurs de l’économie sociale auraient sans doute préféré avoir également le droit d’employer une partie des encaissements pour distribuer des micro-crédits. Ainsi, une EESS qui émettrait sa monnaie locale contre de la monnaie légale récolterait quelques fonds. Si le système de monnaie locale est bien configuré, l’EESS pourrait se retrouver avec quelques réserves à redistribuer sous forme de prêt. Or le monopole des opérations de crédit appartient encore par principe aux banques. Il existe néanmoins un certain nombre de dérogations pour différents préteurs sociaux (V. C. mon. fin. art. 511-6, al. 2). Il reste à savoir à quelles conditions il serait possible de combiner ces activités.

            Même sans possibilité de prêt, les ressorts d’une circulation monétaire locale offrent aux émetteurs de MLC des vecteurs de communication pour faire vivre la société locale. Il serait contre-productif de réduire ceux-ci au régime des moyens de paiement commerciaux.

2. La soumission des MLC au droit commercial bancaire


L’article L.311-5 apparait comme une dispense légale d’agrément en faveur des EESS. Nul besoin de demander une dispense d’agrément auprès de l’autorité de régulation bancaire, l’EESS qui émet une monnaie sociale se retrouve plénipotentiaire sur sa monnaie, à condition bien évidemment de respecter les conditions de la qualité d’EESS et l’objet social unique.

            Néanmoins, le second article de l’amendement, l’article L.311-6, soumet les mêmes monnaies locales complémentaires :

« aux dispositions du titre Ier du livre V du présent code lorsque leur émission ou leur gestion relèvent des services bancaires de paiement mentionnés à l’article L. 311‑1, des services de paiement au sens du II de l’article L. 314‑1 ou de la monnaie électronique au sens de l’article L. 315‑1 ».
           
            L’article L. 311-5 ne définit pas les monnaies locales complémentaires. Cela n’est guère étonnant dans la mesure où il n’existe pas de définition ni générale, ni homogène des monnaies locales complémentaires (il ne peut s’agir uniquement d’une unité de compte spécifique comme l’avance B. Allain). Cela s’explique assez facilement par la plasticité des mécanismes sociaux sur lesquels reposent ces monnaies. Aussi les émetteurs de MLC recourent à des mesures adaptées aux objectifs qu’ils peuvent poursuivre : activité économique locale, solidarité, éthique, écologie, soutient aux emplois locaux… Dans cette perspective, les émetteurs adoptent des règles singulières (inconvertibilité partielle, taxe de sortie, avantages particuliers, fonte ou dépréciation des instruments pour inactivité, etc…) permettant d’entretenir la dynamique sociale de leur monnaie, comme d’autres rivalisent d’ingéniosité pour assurer la visibilité de leurs produits (pensons aux cartes cadeaux) sur le marché.

            Or cette absence de définition contribue, en l’espèce, à dénaturer la spécificité des monnaies locales complémentaires :

a.      En l’absence de définition, les MLC voit leur champ amputé par celui des moyens de paiement de la monnaie légale


            Puisque l’article L. 311-5 ne définit pas les MLC, c’est à l’article L.311-6 que revient la fonction de tracer une frontière : l’émission de monnaies locales complémentaires est libre tant qu’elle ne relève pas du droit bancaire.

Le mécanisme est donc très similaire au droit en vigueur : une dispense certes attribuée de plein droit par la loi mais encore une dispense étroitement encadrée par le droit commun bancaire. Penser et proposer la séparation des monnaies locales et du droit bancaire est une grande avancée.

Cependant, cette séparation s’opère sous la domination exclusive du droit bancaire qui définit les services bancaire de paiement, les services de paiement et la monnaie électronique. Or, il suffit de se mettre à la place de l’autorité de régulation qui sera d’autant plus pressée d’appliquer le droit bancaire qu’elle ne saura rien des émetteurs de monnaie électronique puisque ceux-ci sont libres d’exercer leur activité. 

L’intervention de l’autorité de contrôle prudentiel et de régulation est précieuse. Elle l’est requise pour certaines « monnaies locales complémentaires ». On pense au système Sonante, qui devrait ressembler au WIR suisse, qui est une monnaie scripturale portant une marque locale et fonctionnant sur des principes communs à la monnaie légale. 

En revanche, la mission qui a été confiée à l’autorité de régulation est de veiller à la stabilité du système financier, même pris dans son ensemble, et à la protection des clients (L. 612-1 C. mon. fin.). Or on ne voit pas en quoi cette mission justifie qu’elle contrôle les monnaies locales complémentaires sur le modèle des moyens de paiement commerciaux. Il n’est pas utile d’insister sur l’absence totale de dimension financière présente ou à venir des monnaies locales. Quant à la protection des clients, il faut bien remarquer que la plupart des détenteurs sont volontaires. Les détenteurs dépensent leur argent et se dépensent eux-mêmes conformément aux objectifs soutenus par chaque monnaie locale complémentaire. En cela, les monnaies locales appartiennent bien plus au secteur caritatif qu’au secteur bancaire. Il suffirait d’en informer les participants. Participants qui sont déjà avertis que leur monnaie est souvent inconvertissable en euros.

Il ne reste plus alors qu’à assurer la protection des accepteurs – qui sont pour certains des détenteurs volontaires – notamment les commerçants. Or ces monnaies ne disposant pas de cours forcé de circulation, les émetteurs de monnaies complémentaires n’auront pour seule ressource leur pouvoir de conviction pour les faire accepter. Cette confiance ne dépend pas d’une autorité de régulation lointaine mais d’une vie locale.

Aussi, il nous semble que l’autorité de régulation pourrait accueillir dans ses services une entité (bureau, personne, membre de son collège) qui défendrait l’économie alternative. Cette personne pourrait être originaire de l’économie sociale solidaire.  Ce serait assurément donner au texte même de l’exposé des motifs du projet de loi ESS « en faveur d'un dépassement du modèle économique classique fondé sur la maximisation des profits » les moyens de son élan (et de son ambition).

Alternativement, il serait possible de confier la surveillance des monnaies locales complémentaires à une autre institution qui serait susceptible de leur assurer un développement local. Un tel organisme devrait cependant respecter les dispositions de la loi. Néanmoins, défendant les monnaies locales, il pourrait faire valoir les intérêts de celle-ci.

b.     Les monnaies locales, monnaies bancaires


La formulation de l’article L.311-6 est quelque peu surprenante : elle oblige les monnaies locales complémentaires devenues moyens de paiement régulés à être émis et gérés par une banque. C’est là l’effet de leur soumission au titre Ier du livre V du code monétaire et financier et surtout de l’article 511-5 qui prohibe l’émission des services bancaires de paiement par « toute personne autre qu’un établissement de crédit ». Ce titre ne vise, en effet, que les établissements de crédit alors que l’on aurait pu attendre – sans le vouloir, pour une simple question de régime – que les EESS puissent se constituer en établissement de paiement ou de monnaie électronique (qui composent le titre II, respectivement les chapitres II et V).

Le titre Ier du livre V connait aussi des banques mutualistes ou coopératives (chapitre II) ou encore les caisses de crédit municipal (chapitre IV). On se demande si ce n’est pas ces statuts que le virtuel article L.311-6 entend réserver aux émetteurs de monnaies locales complémentaires. Il est vrai que les caisses de crédit municipal sont souvent considérées comme les émetteurs idoines de ces monnaies. Mais elles ont le défaut – relatif – d’être des établissements publics dont on se demande si elles sauront tirer profit du versant dynamique des monnaies locales.

Il reste, que ces institutions sont tenues au droit bancaire. Pour celui-ci, la dynamique des moyens de paiement repose sur des campagnes de communication et de publicité. Ce n’est pas là celle des monnaies locales.

c.      L’effet de seuil – le régime des services de paiement et régime de monnaies locales


Si l’émission et la gestion de monnaies locales complémentaires est libre conformément au droit commun des moyens de paiement ; si la loi prévoit une exemption de plein droit pour les ESSS, il n’en demeure pas moins que l’autorité de régulation désignée doit appliquer le droit bancaire. En conséquence, la liberté reconnue à la gestion des monnaies locales tombe avec le franchissement du critère du « réseau limité ». Cette frontière n’est pas seulement celle qui oblige à la constitution d’une banque, c’est également celle qui soumet les titres de monnaies locales complémentaires au droit commercial bancaire.
 
Le régime des monnaies locales complémentaires devenues moyens de paiement régulés s’en trouve directement affecté : il perd toute liberté.

Pour la monnaie corporelles – les bons ou titres –, il nous semble cependant que l’établissement de crédit dispose de larges compétences pour établir un cadre juridique conventionnel par lequel est peut mettre en œuvre les règles spéciales auxquelles les émetteurs de monnaie locale recourent (depuis Silvio Gesell, la fonte ou dépréciation par exemple, ou encore les taxes de sorties, les bonifications d’entrée, etc.). En ce sens, si l’établissement de crédit peut déroger au modèle du contrat de dépôt – ce qui n’est pas avéré –, le régime est assez flexible. La confiance reposerait moins sur le formalisme du droit des moyens de paiement que sur le contrôle prudentiel de l’établissement.     

En revanche, l’émission de monnaie sous forme électronique (ou a fortiori sous forme scripturale), qui est également une compétence des établissements de crédit, devra respecter le régime strict imposé aux émetteurs de monnaie électronique. Celui-ci prohibe ainsi toute bonification à l’émission, oblige au remboursement sans discrimination des détenteurs de monnaie électronique, et interdit la fonte – dans la mesure où celle-ci devra être considérée comme des frais fondés sur des coûts réels. Les monnaies locales complémentaires sous forme électronique soumises au régime de la monnaie électronique perdront leur spécificité pour devenir des monnaies électroniques commerciales. Une carte cadeau, une prépayée n’est pas une monnaie, c’est confondre l’instrument et la monnaie. 

L’effet de seuil devrait inciter les émetteurs à ne pas franchir le critère du réseau limité ou à explorer les possibilités d’une intégration poussée avec les accepteurs (ce qui aurait pour ambition de réunir les collectivités locales et les commerçants, le public et le privé dans une structure partagée). 

Conclusion provisoire

Le principe posé par le virtuel article L.311-5 est incontestablement une avancée en faveur de l’innovation sociale des monnaies locales. Il pose une reconnaissance qui s’impose aux autorités publiques. Plus encore, en définissant les monnaies locales par rapport au droit bancaire, il les assimile à de la monnaie légale. A défaut, d’avoir cours légal ou même un cours dérivé de circulation (comme les instruments de paiement de la monnaie scripturale), ces monnaies deviennent néanmoins des moyens de paiement assimilés à la monnaie légale. Enfin, d’un point de vue monétaire, ces monnaies locales sont émises à parité avec l’euro. Elles peuvent alors prétendre au régime comptable de la monnaie légale.

            On ne connait pas encore les modalités par lesquelles l’ACPR exercera son contrôle sur les émetteurs d’une monnaie locale complémentaire – il y aura sans doute des décrets d’application. On sait néanmoins que la prochaine directive européenne sur les services de paiement obligera les émetteurs bénéficiaires d’une exemption à se déclarer auprès de l’autorité de régulation désignée (l’ACPR). Dès lors, on peut penser que la liberté d’émission sera sujette à une déclaration préalable.

            Le critère du seuil du « réseau limité » posé par le droit européen – et qui devrait être enrichi par un plafond chiffré par la directive en cours de négociation – demeure le principal obstacle dont il reste à voir comment contester son caractère dirimant. Un cadre juridique est posé. Un cadre assez général pour un objet juridique nouveau – les titres de monnaies locales complémentaires – et qui se conçoit encore assez difficilement dans son rattachement bancaire. La société civile est donc invitée à innover avec ses nouveaux titres que l’on ne peut s’empêcher de dresser en miroir de cette titrisation financière dont elle est tout le contraire sans pour autant perdre en inventivité.  


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